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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

négligé la délicieuse inconnue : le dépit motivait ce départ, cet abandon sommaire. Rasséréné, il n’en reçut que plus béat les protestations d’Yvonne, angoissée par le visage abattu de Lucien, repentante de sa jalousie, de sa mesquinerie d’humeur…

— Ne soyez pas offensé, je vous en prie, disait-elle, caressante. Ce n’est pas la première fois que je vous taquine… Nous avons eu déjà ces querelles gentilles qui font plus de bien que de mal : elles rapprochent davantage après avoir si peu éloigné. En un mot, je le regrette, je ne recommencerai plus, ou plutôt, oui, je recommencerai, puisque c’est indispensable et que ce n’est pas malin. Dites, Lucien, n’est-ce pas amusant ?

Le départ de l’Américaine lui fut une délivrance exquise. Yvonne étincelle de gaieté, les yeux mouillés d’un pardon généreux. Son ami n’a pas deviné la fureur jalouse : c’est préférable ainsi et rassurant ! N’abomine-t-il pas de tels reproches ?

— Certains envieux m’accusent, je le sais ! reprit-il, assombri.

— De quoi ? interroge-t-elle, feignant d’ignorer.

— Je viens de le dire ! s’exclama-t-il, hébété.

— J’espérais que vous l’aviez oublié.

— À dire le vrai, les ennemis ne me chiffonnent guère… Mais, à certains moments, ils sont encombrants, ils sont pesants sur l’âme…