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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

ment faux !… C’est de la calomnie, du commérage, de l’envie ! Qu’il est difficile d’être respecté, jugé selon la valeur personnelle, le naturel, la sincérité, la… On a beau…

— Ne vous indignez pas, Lucien ! Pourquoi, n’est-ce pas ?

Il se fâchait en définitive, la rougeur du teint passait au cramoisi extrême. Les prunelles s’immobilisaient d’une fixité dure, les ailes du nez battaient nerveuses, une rigidité soudaine lui concentrait le reste du visage. La voix tendue, mordante, grinçait d’aigreur.

Puis, de la pâleur amollit tous ces traits raides : de l’amertume les relâchait. Un désappointement venait d’apaiser l’acrimonie de Lucien. Il a incliné son visage vers l’étrangère, soudain préoccupé de voir quel effet sur elle avait produit le changement de physionomie, de la langueur à l’énergie, de l’oisiveté à la pensée vivante. L’Américaine se levait alors, désertait le café de la Terrasse, lui avait tourné le dos sans qu’elle eût manifesté le plus superficiel chagrin et même l’indice le plus imperceptible d’attention. Eh quoi ! elle ne se souviendrait pas de lui, elle partait sans adieu, sans tristesse ? Ce ne pouvait être l’indifférence, il l’avait certes remuée. Deux ou trois minutes, retenu par la discussion belliqueuse avec sa compagne, il avait