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la jolie américaine


Depuis un quart d’heure, Lucien Desloges ineffablement minaude. Un sourire de bien-être intime lui flamboie sur le visage : la volupté de plaire à une femme savoureuse, d’être admiré, le parcourt, le hante et l’affole. Il s’agit d’une Américaine dont l’âge flotte autour de la trentaine et dont le minois est une effusion de grâce consciente : elle cause d’une bouche dédaigneuse avec un mari chauve, boursoufflé, vétuste. Dans les yeux de l’éclatante jeune femme, une lueur de malice émue clignote : ils reviennent souvent à Lucien Desloges rapide à les prendre au vol, et parfois quelque chose de mélancolique les veloute. Alors, délirant de fatuité repue, hypocrite, il baisse la tête et simule d’être désolé…

Aussi, quelques distractions l’éloignent-ils d’Yvonne, que l’impatience grille au vif. Accoudés à l’une des tables du café de la Terrasse, ils poursuivent un entretien dolent et morne. Certains monosyllabes, tout assaisonnés d’une œillade subtile qu’ils fussent, ont beaucoup aiguisé l’irritabilité de la jeune fille, trop pleins de l’oubli dont elle était humiliée. Aux premiers