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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

arrière-pensée mesquine d’intérêt, elle ne perça jamais. Pour être certain qu’elle ne déguisait pas le triomphe de le séduire, il essaya des flatteries hypocrites et rusées : elles furent accueillies avec un embarras si spontané, qu’il se crut méprisable de s’en être servi. Simple et distinguée, d’une manière exquise, elle déroula sa vie et son caractère, comme la plus ordinaire et la plus irrésistible des confidences. Elle s’aperçut qu’on la faisait souvent discourir d’elle-même, elle attribua cet entêtement de nouveau à la bonté, à la courtoisie ; ne s’ingéniait-il pas à mettre une sourdine à l’instruction qu’elle estimait bien vaste ? Il se préoccupait de ne pas la rendre confuse, de ne pas la blesser. Il excellait à lui faire oublier son infériorité, si bien qu’elle se leurrait parfois d’être égale et même supérieure, à cause des paroles amicales et soumises. Elle retrouvait auprès de lui l’aisance des causeries délicieuses avec Thérèse, la petite sœur qui l’adorait. Comme il était modeste, respectueux et délicat ! Il était impossible de le craindre, de le soupçonner, de l’outrager. Il ne raillait jamais, la franchise abondait en son regard toujours…

C’est ainsi que Jean, par ce qu’elle révélait d’elle-même et par une intuition pénétrante, eut bientôt de Lucile une opinion lumineuse et dé-