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CE QUE DISAIT La FLAMME…

laissé père demanda Jean, habitué à ces déluges d’enthousiasme.

— Mais c’est lui qui m’a abandonnée ! Tu vois ? l’automobile repart : il nous le donnera bientôt. Une affaire pressante, a dit papa : il est arrêté chez le notaire… Tu aurais bien dû venir avec nous ! Tu as perdu beaucoup, je te l’assure. Je suis positive qu’il n’a pas bougé d’ici, le grand frère sérieux ?…

— Mais oui, j’ai fait une longue promenade, pas aussi longue que la tienne, mais une promenade tout de même, réplique-t-il, le visage attristé de Lucile Bertrand lui revenant à la mémoire.

— Où donc ? raille-t-elle, les yeux brûlants de malice. Tu avais l’humeur de tes jours de rêverie, quand nous sommes partis. Et c’est assez difficile de t’en arracher, les racines sont profondes !…

— J’ai parcouru deux milles au moins…

— Où donc es-tu allé ? La moquerie flambe sur ton visage. On dirait que tu joues avec moi comme un grand’père avec sa toute petite-fille. Aurais tu rendu visite à Berthe Gendron ? C’est qu’elle ne te déteste pas le moins du monde. Tu l’effarouches un peu, elle aime cela…

Yvonne éclata d’un rire joyeux, où il y avait trop d’artificiel, une préoccupation de ne laisser ignorer aucun des charmes du visage. Elle excellait à décocher la taquinerie : c’était des flèches