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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

de sa clarté heureuse ne s’effaça… Le retour à la vie somptueuse aurait pu atténuer l’impression vécue au moment de la séparation. Le contraire, étrangement, survint. Comme si une muraille se fût empilée roche à roche, l’obstacle à coup sûr grandit, les objections s’accumulant, dignes ou mesquines. Mais aucune de celles-ci, croyait-il du moins par une ruse de l’imagination, ne provenait de la jeune fille pour laquelle tant de respect lui adoucissait le cœur. Il lui sembla qu’elles étaient différentes d’elle, qu’elles étaient froides et mornes, entre elle et lui opposaient une ombre qui lui donnait le frisson, qu’il avait peur de traverser. Mais elle paraissait ignorer une telle angoisse, puisque les grands yeux noirs ne se lassaient pas de l’émouvoir, débordants de félicité pure…

Le soir, il voulut s’arracher à la tyrannie de ses inquiétudes. Il espéra que la vie étincelante de la terrasse Dufferin engourdirait la fièvre. Une molle draperie d’azur et d’étoiles enveloppait la ville et les horizons de trouble et d’infini… Jean, à ses deux amis qu’une pareille exubérance intriguait quelque peu, jetait à profusion du sarcasme, des phrases et de l’esprit, il avait les joues vermeilles de nervosité aiguë. Ce fut en vain qu’il jasa autant qu’un verbomane, que des éclats de rire l’empoignèrent, qu’il tâcha de fré-