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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

fait pour tout le ciel souffre de n’en avoir qu’un peu, de l’attendre encore…

— Je vous comprends, murmure-t-il.

— Comment me procurez-vous une telle confiance en moi ? J’espérais que vous m’expliqueriez vous-même, et j’ai tout dit sans hésiter, sans doute… Je crois que c’est à peu près cela, oui, monsieur Fontaine, à peu près cela, de la tristesse et de la joie, un peu de joie à la surface et beaucoup de tristesse au fond…

— Et ceux qui rient toujours, n’est-ce pas le contraire ?

— La tête rit, le cœur pèse toujours… ils finissent par le savoir.

— Un jour, ils savent qu’en réalité leur cœur était lourd ! redit Jean, comme un écho vibrant aux profondeurs de son être…

Il est plus ému que jamais il ne le fut auprès de Lucile. L’attrait qui d’elle émane et le pénètre, s’illumine et devient comme une chose vivante en lui. C’est de son propre cœur, étrange et bouleversé, défaillant et doux, qu’il a malgré lui chanté le lourd bonheur. Toutes les hésitations fondent, tous les leurres par lesquels il refusait l’amour s’envolent. Il est empoigné, asservi, enivré… Parce que Lucile, enfin, n’est plus une apparition voilée d’une buée sentimentale, un être uniquement réel en la mémoire qui