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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

que se taire, espérer que rien n’éteindra cette riche lumière en elle, que le jeune homme parlera sans la détruire d’un souffle glacé. Pour ne pas la perdre, elle dissipe tous les assauts contre elle, tous les raisonnements. Il est vrai que son compagnon n’est si bienveillant, si affable que parce qu’il y est forcé par l’habitude de la politesse : a-t-il pu se nouer entre eux d’autres sentiments qu’un lien de protection de lui à elle ? Il est presque devenu son ami, à force de s’être dévoué : tandis qu’il est pour elle un être suprêmement généreux, d’une intelligence admirable. Elle n’avait jamais ressenti la gratitude avec une bonté si aiguë au fond de l’âme et telle qu’elle ne devrait jamais finir…

Et Jean, plus la minute de la séparation est imminente, sent faiblir l’énergie de la vouloir. Dès qu’il songe à ne pas avoir de pitié, une tristesse lourde l’oppresse et le cœur saute avec beaucoup de tumulte. L’effroi d’induire Lucile à l’amour s’apaise. Le jeune homme cède à l’émotion douce, entraînante… Elle occupe tout son être, elle en a banni le reste : il reviendra la chercher, la subir, la vivre profondément…