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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

Loin d’être terrifié par elle, saisi par un revirement d’humeur bizarre, il s’abandonne à l’ivresse qu’il éprouve. Bien que leurs paroles soient plutôt rares et superficielles, tous deux pressentent le bonheur dont ils se bouleversent l’un l’autre. Ils se sont dirigés le long de la rue maussade, étouffante qui mène à la Côte du Passage. Lents, leurs démarches égales font l’ascension de l’escarpement tortueux. Le rythme chaud de leur accent résonne jusqu’aux profondeurs les plus lointaines de leur être…

— Cela ne vous fatigue pas de gravir cette côte ? s’inquiète Jean.

— Elle est si près de la maison ! dit-elle, bien douce.

Cette réponse n’est-elle pas merveilleuse de naturel et presque sublime ? Jean se propose d’élucider l’énigme d’un esprit tellement gracieux et vif chez une ouvrière. Comment la beauté seule de la jeune fille jusqu’ici l’a-t-elle émerveillé ? Tout chez elle n’est-il pas enchanteur ?

— Ah ! je comprends, mademoiselle, la joie d’en approcher vous soulève…

— Oui, comme si elle me portait dans ses bras !

— Être porté dans les bras de la joie, savez-vous que l’expression est jolie ! murmure-t-il.

— J’aime encore mieux la chose que l’expres-