II
les ailes à terre
La montre de Jean indique six heures. Des nuances d’or s’égrènent dans l’azur au-dessus des montagnes. Des souffles tièdes, inconstants, folâtrent dans l’air : et quand ils effleurent les tempes du jeune homme, il a l’âme plus apaisée. Le calme a détendu les nerfs si vibrants tout-à-l’heure, une ivresse délicate les engourdit. Le chemin Saint-Louis gonfle d’une poussière pâle et soyeuse. Depuis quelques minutes, pas une voiture n’a soulevé les molécules grises en flots d’ombre. Les chrysanthèmes là, de leurs aigrettes pourpres ou rosées, dominent les géraniums glauques ou liserés de neige. Les feuilles des érables et des bouleaux échangent de fines mélodies à la sourdine. Trois enfants vagabondent sur la pelouse de la cour voisine, leurs habits de toile mauve ont la fraîcheur de l’herbe et leurs chuchotements faiblissent comme des murmures.
Yvonne Fontaine et son père ne tarderont pas à revenir. Jean leur communiquera-t-il son projet ? Que diront-ils de cette vocation inopinée ? Leur vanité en sera-t-elle éblouie ? Il n’a pas le