Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/294

Cette page a été validée par deux contributeurs.
283
CE QUE DISAIT LA FLAMME…

rance. La vanité ne loge pas sous le front de lis. Jean se remémore qu’elle n’a jamais tenté de l’éblouir, de l’ensorceler. Du charme inné seul rayonnait d’elle. Il respire largement d’être sûr : elle n’aura pas de chagrin.

— Me refusez-vous d’aller plus loin ? demande-t-il, avec trop de joie.

— Ne vous êtes-vous pas assez dérangé pour moi ?

— Je suis trop heureux de l’avoir fait !

Il est devenu superficiel, il est lointain, Lucile en a l’âme comme déchirée. Les yeux noirs se creusent d’une tristesse infinie. Le jeune homme surprend leur détresse qui cherche à fuir… Un flot de miséricorde l’attendrit, l’inonde à la gorge.

Il ignore ce qu’il doit croire, il s’égare au milieu des contradictions nombreuses dont il est assailli. Dominé par le besoin de ne pas la quitter aussi malheureuse, il court au guichet, n’entend pas Lucile bredouiller une protestation, se procure les billets nécessaires et, du ton le plus bas et le plus humble, il dit :

— Venez, mademoiselle !… Il faut vous hâter ! Le bateau est à la veille de partir.

Quelques moments plus tard, leur causerie effleure des insignifiances. Installés au pont supérieur du bateau qui trépide sous eux, ils ont leurs