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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

est un roulement qui chante. La Côte de la Montagne dévale et se tord : une ombre fraîche la baigne de chaleur apaisée. Comme alanguis de bonheur, les saules du jardin commencent à ranimer leurs têtes gracieuses, et tous ensemble, vieillis et fiers, ils paraissent causer de souvenirs étranges. L’entretien de Lucile et de Jean est calme et les enchante…

— Si je devine bien, le travail à la maison Seifert vous est agréable ? s’informe à l’instant même le jeune homme.

— Tout le monde y est bon pour moi. Les gens bons font aimer la besogne qu’on fait pour eux. J’y travaille depuis deux ans, je m’attache vite, à peu de chose, je me suis attachée à la besogne qu’on m’a donnée… Le magasin est pour moi une sorte d’ami. Je ne sais comment vous expliquer cela : il me semble, au milieu des bijoux, des objets d’art, que je suis entourée d’amis…

Jean s’émerveille d’un langage aussi pittoresque aussi délicat. N’a-t-il pas jugé d’un arrêt trop sommaire, trop superficiellement, cette jeune fille, alors que la hantise du père malade l’obsédait, l’empêchait d’être elle-même, expansive et naturelle ? Ce front cache peut-être une énigme captivante, il désire connaître davantage son esprit, son âme vraiment originale.