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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

— Elle ne s’amasse pas trop dans la maison Seifert. Tout de même, j’ai hâte de me replonger dans le grand air. Quand j’arrive ici, devant le parc et le fleuve, c’est comme si je revenais à la liberté. Je descends l’escalier avec le plus de lenteur possible.

— Descendons-le ainsi, voulez-vous ?

L’accent, quoique badin, vibre d’une subtile et grisante douceur. Leurs pas retardent et s’alanguissent à chacune des marches. Leur cadence les berce et les unit. Les banalités que laissent tomber leurs lèvres ont la résonance des choses profondes. Comme pour les associer au rêve qu’en lui rien ne repousse, Jean contemple vaguement les lignes les plus troublantes du paysage. Les Remparts, en leur toilette blanche un peu fanée, là-bas tournent et s’esquivent dans l’invisible. La flèche de l’Université Laval, comme reposant sur un socle d’arbres, a l’air d’une statue que la lumière colore d’une vie mystérieuse. Une brume d’or côtoie les rives de Montmorency. Le Bout de l’Île est un bosquet lointain de verdure et de silence. Deux clartés se rejoignent sur le fleuve, une coulée d’argent mobile et une surface d’azur pâlissant et moiré. Les coteaux de Lévis, sous les premiers baisers du soir, ont une âme où flottent des songes…

Le bruit des sabots et des voitures sur la pierre