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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

puis le jour où il tenta d’échauffer le patriotisme de son père, lui remémorer que sa réponse était longue à venir. Jean, par les soins prodigués à François, par l’échange de sympathie entre les siens et lui, croit davantage à la possibilité de l’union canadienne-française réelle et vivante. Des arguments plus tranchés, plus décisifs, lui sont venus contre l’indifférence paternelle. Pourquoi Gaspard s’obstine-t-il à prolonger ce silence ? Il est légitime qu’il médite avec une longue prudence, mais les causeries avec Jean n’y auraient-elles pas ramené Gaspard, au rêve de patriotisme, si des réflexions sincères l’eussent dominé ? Le fils a la conviction d’être mieux armé contre le scepticisme de son père…

Il a fallu beaucoup d’indulgence filiale à Jean pour ne pas s’irriter contre la dureté sèche de Gaspard. Il est averti que les griffes de la mort serrent à la gorge un de ses ouvriers, il remarque distraitement : « Oui, c’est dommage, un bon ouvrier comme cela ! Enfin, il faudra le remplacer ! » Et c’est tout : une commisération vague, pas un tressaillement, pas un cri de chagrin lancé par le cœur. Il ignore si la famille de cet homme est affolée de misère ou d’amertume ; il ignore si tous les soins requis peuvent être fournis au malade ; il ignore si la maladie va lâcher prise : les ouvriers meurent sans qu’une fibre de