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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

La bonté pour la famille ouvrière est la conséquence d’un patriotisme qui tâche de réellement vivre. L’admiration pour la jeune fille sert à fortifier la généreuse ardeur qu’il ressent pour les groupes inférieurs de la race. En effet, peu à peu, sous l’influence d’entrevues moins brèves entre elle et lui, Lucile est apparue comme le symbole charmant des classes besogneuses, une fleur timide et fière qu’on ne devait pas briser. À travers le visage modeste et calme de la jeune fille, il avait mieux compris, mieux vénéré, mieux estimé le peuple. Il dut s’éloigner d’elle, après la chute de la maladie. Un instinct profond lui annonça qu’il n’oublierait pas le visage merveilleux de reconnaissance et de loyauté…

À la dernière visite, il y eut huit jours la veille, il reçut des yeux noirs un regard dont la tendresse presque douloureuse lui noya le cœur d’émotion. N’était-ce pas, en quelque sorte, un adieu ? L’arrêt de ne plus la revoir n’était-il pas final ? Au moment de la séparation, un désir très vif de ne pas la fuir à jamais l’amollit quelques secondes. Les yeux lourds d’âme s’étaient déjà refermés, cachaient toute la pensée douce, vagues et presque ternes : le remords de les abandonner lâcha prise en la conscience du jeune homme. Ne l’éblouissaient-ils pas à tout moment de leurs profondeurs et de leurs chauds rayons ?