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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

tempes de coups brusques, il rougit des mesquines répugnances. Il a l’amertume d’avoir été veule, de déchoir en son orgueil. Accourir vers elle n’est plus un hommage, un plaisir, c’est une réparation, un besoin de reconquérir sa propre dignité. Quelque chose de gravement joyeux bientôt remue les profondeurs de lui-même. À lui, béants de songe et de franche ardeur, les yeux noirs s’arrêtent au milieu d’un regard sur les alentours. Ils s’élargissent d’émoi, paraissent irradier la face entière. Jean les laisse creuser son âme d’une déchirure brève, puis la remplir d’un bonheur qui exalte. Il ne réfléchit plus, il ne s’inquiète plus, il se hâte vers les yeux qu’il est douloureux de ne plus voir…

La pensée de Lucile errait loin de Jean. Pour la première fois depuis la maladie vaincue, son père allait revenir d’un long jour de fatigue. Souvent, lorsqu’au magasin le désœuvrement lui permettait le souvenir, elle avait eu de la préoccupation, des frissons courts d’effroi. Avant de partir, François avait raidi les muscles du bras, contracté les poings, dressé arrogamment sa poitrine et un cri de sa voix tranchante avait affirmé : « Ne craignez pas, c’est solide, c’est capable d’en rencontrer plusieurs ! » Germaine, avec un bond d’amoureuse, se rua au cou de son athlète et l’enlaça. Des larmes riches affluèrent