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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

ques pas instinctifs vers celle qui l’attire. Puis, comme si une paralysie lui eût gelé tous les membres, il arrêta net, immobilisé par un élan de honte au fond de lui-même. À ce moment, les amis foisonnent, et surtout, les amies reviennent de la Terrasse. Peut-il, sans être signalé, commenté, jugé de vingt manières, se rendre auprès de la jolie ouvrière et la reconduire à travers les yeux dardés sur lui ? Un vertige de malaise l’empoigne, un recul d’horreur le traverse. Mais comme elle est flexible et tranquillement harmonieuse, Lucile en une robe colorée d’ambre ! Le tumulte de la rue s’apaise devant le calme de son allure. Le profil est une merveille de lignes délicates et sereines. Voici qu’il tourne un peu vers Jean : la jeune fille doit longer la grille de la Basilique. Le chapeau, le même dont elle avait fleuri sa tête la première fois qu’elle vint à lui, semble une couronne d’idéal. Des nattes copieuses au front roulent en écharpe de rêve. D’une ombre tendre émanent la finesse et la pureté du nez. La bouche est limpide et silencieuse comme l’âme. Lucile n’est pas charmante, elle est belle, paisiblement, hautement. Elle évolue dans un indicible mystère et, pour Jean, ce n’est presque plus humain. Les froideurs en lui se dissolvent, les hésitations fuient, la première impulsion revient et l’inonde. Du sang le heurte aux