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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

d’être libres idéalement gonflera l’âme des races un jour. Chacune des races n’a-t-elle pas, au plus vivant d’elle-même, une sève ardente et nécessaire dont la patrie ne sera que plus robuste et plus altière ? Jean le désire et l’espère, alors que devant lui se succèdent le profil énergique d’un Anglais, le rire finaud d’un Irlandais, le sourire franc d’un Écossais, les yeux rapides et chauds d’un Français. Le même reflet du soleil qui tombe les dore et les caresse, la même bouffée d’air les anime et les attendrit. Jean le désire et l’espère, le jour où les races, au lieu des rumeurs sauvages et dures qui grondent au plus mauvais de l’âme transmise, n’écouteront plus murmurer entre elles que le même souffle venu du ciel… Un vieillard très laid parvient à remuer ses jambes décharnées et tordues : la haine aussi ne mourra-t-elle pas de maigreur, hideuse et ratatinée ? Deux ouvriers, la blouse déflorée d’usure et de taches, les pantalons rognés battant l’air, les doigts crispés sur leurs outils, font claquer des phrases françaises comme des drapeaux. « La journée a été raide ! » s’écrie l’un. « Encore une dans le sac ! » dit l’autre. Et le premier répond : « Deux jours, et ce sera la paye ! » Et le deuxième ajoute : « S’il fait beau, dimanche, je mènerai les petits au grand air ! » Vers l’ouvrier de sa race, une réelle poussée du cœur em-