Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/257

Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
CE QUE DISAIT LA FLAMME…

et machinal entre deux cigares, un catholicisme inerte parce que rien de profond ni de vécu l’anime. Quand l’orgueil d’être Canadien-français l’a-t-il ému, l’a-t-il pénétré, l’a-t-il effleuré même ? L’insouciance, les égoïsmes, les mépris que Jean dénonce, Gaspard est conscient de leur existence au fond de lui-même. Il a de la race un concept fugitif : elle est un être douteux, estompé dans le brouillard. Envers elle, de quoi est-il débiteur ? Est-elle pour quelque chose en l’origine, en l’essor de sa fortune ? En quoi servirait-elle à lui procurer les autres millions ? La race était donc un être inutile, improductif, qu’un homme raisonnable devait ignorer. D’ailleurs, n’y avait-il pas assez d’orateurs, de journaux pour s’occuper d’elle ? L’instinct des affaires énorme, jaloux et vorace, empêchait les autres de vivre…

C’est la première fois qu’une idée limpide, qu’un frisson réel de patriotisme l’agite. Tant d’amour accumulé résonne en l’âme du fils que les entrailles paternelles vibrent. Le cœur cède… Mais la raison peu à peu reconquiert son empire, et froidement, clairvoyante, provocante, elle ordonne qu’on la satisfasse. Il est bon de rêver l’effort pour la race, mais le rêve est-il de « la vraie besogne » ?

— Mon père, tout ce que j’ai dit n’est pas « l’idée », mais la prépare, et j’espère maintenant