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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

nuages de sa vision patriotique, de s’en approfondir les clartés. Les formules, les arguments se joignent les uns aux autres pour sculpter un idéal harmonieux et solide. Et cet idéal, en son esprit réjoui de le tenir, éblouit, de tout son rayonnement. Il en voit le prolongement, les fertiles conséquences : elles seront moins vagues et plus fermes, les paroles qu’il faut dire pour que du rêve sonore éclate un principe d’action, une force de salut. Les traits de Jean étincellent de ferveur et de magnétisme, une pourpre riche déborde à ses joues. La voix martèle avec puissance, brûle de foi chaude, tranche avec une affirmation décisive. Les yeux dardent un éclair en un lointain qui les fascine et les ravit. Sur la défensive longtemps, puis intéressée, prise, retenue, captivée même, Yvonne a cessé de ricaner et de mordre. Une conviction s’ébauche en elle, mais elle s’embue d’incohérences. La jeune fille n’oppose aucun obstacle à l’élan de l’intelligence vers de la certitude. Elle entrevoit les tâches possibles, les superbes dévouements, mais l’effroi du ridicule ou l’ombre sévère de l’effort les repoussent. Tout de même, elle brave, elle s’offre, elle somme Jean de lui préciser un rôle…

— Veux-tu dire ce que je pourrais faire ? insinue-t-elle, avec un grasseyement de malice aux profondeurs du gosier.