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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

Mes cheveux que je laisse bouffer, je les aplatirai en bandeaux collants avec de l’huile. Il ne faut pas que j’oublie les lunettes montées en aluminium. Il sera plus facile, dès que j’en aurai sur le nez, d’avoir l’air sombre et responsable des femmes utiles à l’univers. Il ne me restera plus qu’à partir en croisade pour la race, comme une zélatrice de l’Armée du Salut !

La mimique de la jeune fille était ravissante : Gaspard et Jean s’égayèrent à suivre les malices de la bouche et des yeux. Jean tout de même ressentit plus de confiance et devint plus agressif : il s’écria :

— Sois jolie, sois le toujours, autant que possible ! c’est, ton droit ! Habille-toi délicieusement, c’est ton droit ! La beauté enrichit une race… mais ton cœur, Yvonne ? Quelle source ! quelle puissance ! Notre race demande le cœur de ses femmes, le tien !… La foi en elle s’écroule : les Canadiens-français se détachent de leur passé, en rougissent… La mollesse conduit les races, aussi bien que les individus, à l’inertie, à la honte, à l’impuissance… Parce que la foi des femmes est la dernière qui meurt, c’est elle qui éloignera les Canadiens-français de l’apathie, de la médiocrité, du reniement… Sois belle, sois jolie, sois exquise, brille et règne, mais ne seras-tu pas une croyante en ta race ?