Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/250

Cette page a été validée par deux contributeurs.
239
CE QUE DISAIT LA FLAMME…

s’empêcher de murmurer, plus docile à mesure que le pouvoir de Jean l’empoignait.

— Comme si j’usais de manœuvres sournoises ! Allons, ma petite sœur, sois juste et bonne ! Il n’y a rien de plus franc et de plus net que ma pensée. Elle est aussi limpide que merveilleuse. Lucien n’a pas la fierté de sa race… Les traditions l’offusquent, l’héroïsme des ancêtres l’ennuie, il n’a qu’un sourire dédaigneux pour nos tombeaux ! Après la conversation de l’autre jour, il est impossible d’en douter… Notre race a besoin d’orgueil et d’amour ! Si on ne lui donne pas tout cela, intensément, elle tombera d’anémie… L’orgueil et l’amour sont le sang d’une race ! Ah, si tous voulaient, quels prodiges fleuriraient sous le grand soleil du Canada ! Ah, si tu consentais, ma chère Yvonne, à devenir une femme de courage et d’idéal, pour ta race, pour… !

— Pour me sacrifier, n’est-ce pas ? Une héroïne, une sainte, une martyrisée ! Quelle jolie vision !

— Tu n’es pas sérieuse, tu sais qu’au lieu d’un martyre, c’est le bonheur que je te suggère, le bonheur durable, parce qu’il vit de l’éternel aux racines du cœur !

— Allons, c’est entendu ! Je vais donner toutes mes robes au prochain bazar, copier l’habillement des étudiantes nihilistes de Moscou !