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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

tion de bienfaisance, de jeux, ne voyait le jour sans qu’on entendît le nom de Gaspard Fontaine autour de son berceau : sa largesse était inlassable, proverbiale, serait légendaire après sa mort. Quelle griserie de sentir les « gens instruits » courber tout leur savoir devant lui ! N’ignorant pas que plusieurs se tordaient la face à rire de lui, dès qu’il n’était plus là pour les avilir, il dédaignait ce qu’il appelait leur « jalousie bête », et surtout, membre du club de la Garnison, n’y est-il pas flatté, recherché, défendu, respecté ? Que lui importent les gouailleries, les grimaces de quelques-uns, si tous ne peuvent ignorer son or et sa personnalité ? Aller au club est, pour lui, une jouissance, un orgueil, une nécessité, un beau songe d’aristocratie. Comme il est loin du logement bas et morne où ses parents nichèrent quelque part aux profondeurs de Saint-Roch ! Quand il remonte la Grande Allée, que le cornet d’alarme éclate ou bêle tour à tour, et que les ouvriers de la fabrique d’armes se massent pour ne pas être abattus par l’automobile, Gaspard Fontaine revoit son père comme eux sali, déprimé, hâve, lamentable, et son âme alors s’étrangle de honte… Jean n’a pas sondé toute la fatuité de son père, n’en a traversé que les couches de surface…

Après de tels mots claquant de fierté, après une