Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/241

Cette page a été validée par deux contributeurs.
230
CE QUE DISAIT LA FLAMME…

naître, eh bien… j’ai hâte de lui serrer la main ! Allons, Jean, ton réquisitoire au plus vite !

Jean ne s’est jamais jugé coupable de voir nettement le défaut le plus exigeant de Gaspard : une vanité qu’il lui accordait sans mauvaise grâce, parce qu’elle n’était pas maligne, parce qu’elle était nécessaire. La foi imperturbable en l’avenir, malgré les revers, la prodigieuse venue du succès, la constance de la fortune à s’engouffrer dans ses mains jamais remplies, la certitude que le premier million s’achemine vers d’autres qui se profilent à l’horizon de l’imagination, la quotidienne pensée qu’à lui seul il doit tout lui-même et tout ce qu’il a, ne voilà-t-il pas autant de forces qui, sourdement, ont pétri l’orgueil de son père ? Celui-ci est chrétien, mais non au point d’attribuer à la grâce, à la prière, tous les triomphes : Dieu lui a implanté les germes de l’ambition inéluctable, fort bien, mais c’est lui seul libre qui les a fécondés. Dieu est le créateur de la richesse, mais il ne choisit pas les hommes qui l’entasseront près d’eux. Ne s’enrichissent que les favoris de la chance ou les hommes dont le vouloir est plus fort que les fantaisies de la concurrence ! Selon lui, on n’a pas encore découvert si la veine est une semence du ciel. Et d’ailleurs, ne s’énervait-il pas lorsqu’on attribuait l’origine de sa fortune à un sourire du hasard ? Sa fatuité aime