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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

tion volage de la sensibilité, un incarnat de honte au front parfois, mais une conception nettoyée de vague et qu’aucune hésitation ne souille. Elle a fini de l’illuminer, de le préciser, de le lui rendre cher, l’idéal patriotique : la vision soudainement lui a déroulé tout un ensemble d’efforts et de puissance « Ah ! mon père, quelle grande idée ! » cria-t-il, exultant ! Elle l’inonda tant de sa lumière qu’il eut, deux ou trois secondes, l’impression de ne plus vivre qu’en elle, mystérieusement, profondément, là où l’âme est le moins loin de l’infini. Les mots concis, limpides, forts, se préparaient à jaillir de son cerveau : l’intimidation d’Yvonne les a figés au fond de lui-même…

Puis, avec une lucidité croissante, il a démêlé toutes les conséquences d’un mariage avec Lucien Desloges : le pressentiment de leur vie dolente, éparse au vent de la fantaisie, se creuse. L’Yvonne d’autrefois, d’il y a deux ans, comme elle eût soulevé un homme au-dessus des joies mesquines, purifié son ambition, comme elle l’eût raffermi, complété, inspiré ! Yvonne aurait été la femme pour laquelle on est quelqu’un : tant d’hommes, sans leurs femmes, auraient sombré dans l’insignifiance ou l’irréparable bêtise ! Et la voici transformée, exquise à l’extrême, étincelante, mais enchaînée à un fat dédaigneux de sa race