Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/225

Cette page a été validée par deux contributeurs.
214
CE QUE DISAIT LA FLAMME…

mes sont trop exclusifs, nous rapetissent, nous enchaînent. Ah ! ce qu’il faudrait, ce serait une grande générosité, un dévouement passionné qui nous arracherait de nous-mêmes, ferait bondir nos cœurs en un même frémissement d’amour ! Quelque grande générosité pour notre race, par exemple ! Tu ne me trouveras pas romanesque, je l’espère ? Aux réunions du Congrès, j’ai compris, notre race implore de la bonté, des sacrifices… J’ai l’intuition que, si tu faisais quelque chose de noble pour elle, nous serions plus près l’un de l’autre, beaucoup plus près…

Cette pensée, comme si peu à peu tant d’autres l’eussent préparée, vient de surgir, naturelle et saisissante. Elle frappe Jean : bien qu’indécise encore, il en soupçonne la profondeur, la valeur, les possibilités. Sous le voile qui l’embrouille, il cherche déjà sa vertu d’action, de patriotisme efficace. En entendant ses lèvres l’énoncer, quelque chose de grave l’a troublé : il se faisait, dans l’esprit radieux, une éclaircie à travers les ombres alourdies par les rêveries impuissantes. Le cerveau confiant besognait, élaborait, attendait. Un cri d’allégresse, de tout l’être de Jean, triompha soudain :

— Ah ! mon père ! quelle grande idée ! proféra-t-il.

Plus rien ne retenait l’essor de la pensée dont,