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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

— Encore ce mot embêtant, l’idéal !

— L’idéal est la cime des âmes ! C’est en montant vers lui qu’elles deviennent supérieures !

— Je suis inférieur parce que l’idéal, je n’ai pas le temps de m’en occuper ! s’exclame Gaspard sèchement, le regard dur, ses mains convulsives empoignant les bras du fauteuil.

— La voici, mon père, la séparation morale, la différence qui blesse. Tu n’ignores plus la raison de mon silence tout à l’heure. Plus tu as exigé que je parle, plus je devinais que toutes les démonstrations ne pourraient servir, que nous en sortirions meurtris même… Je ne te dédaigne pas : comment serais-tu inférieur de t’être développé selon la force irrésistible en toi ? Par le courage, la ténacité, l’intelligence, comme tu peux l’être enfin, n’es-tu pas un être supérieur, très beau ? C’est banal : une volonté victorieuse n’est pas inférieure ! Je suis plus orgueilleux de toi, je le jure, que tu ne l’es de moi !

— Si je te comprends bien, c’est irréparable, ça le devient chaque jour davantage.

— Ne dis pas cela, mon père, avant que nous ayons voulu !… Il doit y avoir, par le fait même d’un désir, un moyen d’en acquérir l’objet. Nous avons de la volonté beaucoup, tous deux ; pourquoi ne pas lui confier la besogne de nous rapprocher ? Nous savons où est le mal : nos égois-