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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

moi. Il y avait entre nous un fossé toujours plus creux : l’ignorance… Tu étais mon fils, mais si différent de moi que, franchement, tu… tu me paralysais quelquefois… Sais-tu ce qui m’a ouvert les yeux ? Ton courage d’il y a une minute, ta crânerie !… Après cela, nous ne sommes plus des étrangers, dis ? Ah ! oui, avoue que tu ressens la même chose, que…

— Que tu as bien deviné, mon père ! s’écrie Jean, touché au vif de l’âme. Ma gratitude pour toi est une des émotions les plus pures et les plus douces que j’aie éprouvées. Je la dois à ta bonté ; elle a été si indulgente, si naturelle. Je m’y attendais, mais pas de cette façon-là… La bonté rapproche, elle détruit les préjugés, les distances, elle purifie l’amour ! Quand tu es particulièrement bon pour moi, je te comprends mieux, je me sens mieux ton fils. Il y a un égoïsme supérieur de l’être qui repaie en amour l’être qui le satisfait !

— Pourquoi t’éloigner de moi encore ? Ta philosophie, c’est elle qui met de la glace entre nous !

— Tu voudrais que je fusse un homme d’affaires ? dit Jean, badin.

— À certains jours, oui… Ce soir, plus que les autres jours. Tu m’égalerais, Jean !…

— Comme tu es vain ! Tu dis cela avec un air… de pacha !