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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

heurtant, elle se dégonfla. Et maintenant, elle est paisible comme une rivière dont rien ne trouble le cours. Tant d’idées, de sensations, d’affaissements, d’entraînements l’agitèrent le long de la semaine ! Il ne tâtonne plus, il ne s’angoisse plus autour d’un idéal qui fuit, d’une tâche imaginaire que la race exige de lui : le jeune homme se complaît en une vision d’amour transparente. Il est soulagé des tergiversations : une certitude calme le tient. Oh ! le bonheur de rêver à elles, quand on est sûr de l’élan vers les hauteurs !…

Sans être charmé par si beau songe, Gaspard vit une minute de félicité. Il n’est pas uniquement joyeux de ses largesses, l’orgueil paternel aussi le grise. Il a de son fils un concept inviolable, exalté même, et il admire la noble maîtrise de sa personnalité. Jusqu’à un certain degré, les sentiments que l’un à l’autre se vouent Jean et son père, ont de l’analogie : ils sont à base d’admiration et d’habitudes harmonieuses, et aussi, d’une espèce d’effroi jamais avoué. Cette gêne entre eux se révèle quand la vigueur respective de leurs caractères se donne libre cours. Celle du fils, intellectuelle, disciplinée, dompte Gaspard ; celle du père, concentrée, violente, sauvage, brusque, fascine Jean. Les deux pouvoirs ne se heurtèrent jamais, n’eurent jamais l’occasion d’imposer, l’un ou l’autre, une supé-