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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

Plonge-toi dans la politique !… c’est du feu, ça ! Quel discours !

— Ce n’est pas un discours, mon cher père, c’est tout moi-même qui a débordé. Tu me demandais pourquoi j’étais si étrange. Eh bien, tout cela avait besoin de jaillir. Je me sens libre, plus fort, plus heureux !…

Oui, tout cela devait jaillir à torrents. Lorsque, sans pouvoir les écouler au dehors, une âme, riche comme celle de Jean Fontaine, s’est remplie d’émotions lourdes jusqu’à souffrir de leur profondeur et de leur puissance, il faut qu’elles s’épanchent en une effusion presque délirante. Il ne peut y avoir la sérénité, la mesure, le choix, la réserve : le tout se précipite, rugit, s’écroule.

On songe au dégorgement des eaux quand s’ouvre une digue : elles se pressent, elles se mêlent, elles se repoussent, elles luttent pour s’unir en une vague qui tombe invincible. Et le grand calme de l’onde redevient maître des choses… Jean éprouve une délivrance de tout l’être, une paix sereine de vivre. Il en fut de même lorsque, la dernière question de l’examen franchie lestement, il eut le cerveau allégi de l’obsession pesante. À l’âge de seize ans, il avait aimé une jeune fille au cours d’un été à la Rivière-du-Loup, avec le ravissement, le culte, les surprises, la fougue naïve, le don absolu du premier amour.