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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

amoureuse faisait vivre, l’interrompit : Yvonne, au salon, pensive et désœuvrée, se plaisait délicieusement aux caresses de l’air d’« Isabeau s’y promène ». Chanson où la brise murmure du rêve et que la douce plainte de l’eau sur le rivage berce, chanson où la grave harmonie du soir glisse un peu d’infini, chanson que la voix d’un homme rend fière et que les soupirs d’une femme rendent humble, chanson émouvante et chaste, refrain d’amour et de légende que tant de suaves larmes, versées le long des siècles à cause de lui et recueillies par lui, attendrissent au-delà de ce qu’en peut dire ! Et surtout, chanson de chez nous, de la Nouvelle-France, du Canada serein et âpre, vaste et que le cœur en un battement renferme, chanson qui n’est plus la même depuis que nos ancêtres lui infusèrent l’âme de leurs grands songes, par ceux-ci calmant leurs angoisses et leurs douleurs, chanson autre et plus enivrante parce qu’y palpitent les échos de nos Laurentides, parce qu’elle anime le feuillage de nos îles, le silence de nos lacs, le flanc de nos barques, la symphonie de notre fleuve ! Jean l’écoute s’alanguir, la chanson d’amour, et gronder, la chanson orgueilleuse, et rêver, la chanson de légende, il l’écoute supplier, frémir, exulter de bonheur et se désoler tour à tour. Il se rappelle un concert d’il y a cinq ou six ans :