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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

— Tu n’y es pas ! Où donc as-tu laissé ton intelligence ordinaire ?

— Je l’ai avec moi, cette intelligence, mais elle est trop ordinaire, comme tu dis, pour éclaircir l’énigme du rébus.

— Un rébus, j’ai déjà su ce que rébus veut dire… Ah ! oui, une devinette… pas trop facile… pas vrai, Jean ?

— Vrai comme nous deux !

— Aussi vrai que mon million ! Le voilà, le r…ébus ! Millionnaire, ce n’est pas un mot, parce que millionnaire, c’est moi !

Un tel « moi » frémissant d’arrogance et d’énergie que Jean ne devinait pas, le stupéfie. Il croyait avoir mesuré toute la profonde vanité de son père : un accent nouveau, plus révélateur, en monte. Ainsi, les bornes antérieures reculaient, après avoir semblé extrêmes : jusqu’où ne s’aventurerait-elle pas, la suffisance de Gaspard ? Non pas que son fils la jugeât horrible, la flétrît de son dédain. Mieux que tout autre, parce qu’il vénérait, parce qu’il aimait, parce qu’il filtrait cet orgueil à travers l’amour d’un vrai fils, il absolvait le père fat de l’être. Et aussi, parce qu’il admirait, malgré lui attaché, conquis. La sensibilité d’une nature affinée s’irritait d’abord, mordue par la jactance du parvenu : mais le dégoût du fils ne tardait pas à fondre au contact des