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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

thousiasmes. Il l’était devenu, avec autant de sérénité que de fièvre, l’imagination brûlante, mais la raison ne vacillant pas. Il l’était devenu, né pour le devenir, par lui invinciblement, malgré tout, par tous les ressorts de la volonté, avec toute la chaleur du sang. Il l’est devenu pour l’être davantage et indéfiniment… Sur le premier million, debout comme sur un roc, il ne bronche pas : sur le premier million, arc bouté inébranlablement, il recevra le poids des autres sans qu’il écrase. Hier, au club de la Garnison, quelqu’un reprit le thème banal que les fortunes les mieux retranchées ne sont pas à l’abri des traîtrises du sort. « La malchance, répliqua Gaspard, d’une voix acérée, je m’en moque ! C’est de leur faute quand les gens font banqueroute ! Il est des gens qui viennent au monde avec elle : ils devraient le sentir, pourquoi se mêlent-ils d’affaires ? Ça ne les regarde pas ! » Généraliser, n’était-ce pas l’inclure ? Qu’on doutât de lui, de sa veine, il ne pouvait le souffrir. L’allusion la plus lointaine à un fléchissement de son commerce, à la suite de tel évènement, d’une dépression nouvelle ou d’une baisse inopinée, l’agaçait, faisait éclater sur sa bouche des mots aussi vifs que des claquements de fouet. On ne lui pardonnait guère ce que des ironistes avait nommé « ses nerfs de parvenu ».