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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

nie des Bourses, quel menu délicieux pour l’homme d’affaires ! Homme d’affaires, il l’est devenu, essentiellement, par l’inflexion de toutes les facultés vers la vocation la plus ardente et la plus tyrannique, avec un don presque absolu de lui-même, avec des nerfs inébranlables. Quiconque insinue que le hasard aurait pu sourire au berceau de sa fortune, l’outrage, remue les houles de sa bile. Ouvrier jadis, hautain, rongé par l’envie, pliant avec douleur sous l’humiliation d’être gueux, les yeux reluisant d’une vision qui pailletait l’avenir de choses éblouissantes, il travaillait comme deux hommes inlassables, avec opiniâtreté, avec rage, convaincu de son initiative et de sa robustesse, l’énergie totale raidie vers une ambition imprécise, mais que rien ne pouvait écarter.

Un jour, le tumulte du cerveau où, comme un torrent sur une digue montante, le désir du succès gonflait toujours, déborda en une décision impérieuse, tenace. Les incertitudes, les périls, les conseils ne purent tenir et succombèrent. Il déserta l’usine, en un délire de triomphe, narguant la déveine possible, la voulant pour la joie de la briser. À Saint-Roch, près de la rivière Saint-Charles, il équipa une boutique de menuiserie. Un de ses confrères, dont les économies dépassaient les siennes, avait été enjôlé, affolé par