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noblesse des rois ! N’est-ce pas l’arbre élu de tout un peuple ? À travers les veines de la feuille d’érable, le meilleur sang du Canada frissonne. Nulle part ailleurs que là où s’attardait l’automobile, l’air ne grise d’un arôme si bon, parce que nulle part ailleurs, alors qu’on le respire, les yeux ne rêvent sur l’onde royale du St-Laurent, sur l’Île d’Orléans délicieuse comme un asile d’amour et de sérénité. Jean, pour la première fois, sut qu’il n’avait jamais aimé la nature de « chez nous » ; il sentit qu’il allait désormais l’aimer. Quelle joie pure inonda tout son être ! Ce ne fut pas une flambée d’exaltation, mais le calme embrasement d’un amour qui commence pour ne pas s’éteindre…

L’après-midi même, le sentiment, pénétra davantage. Au Bout de l’Île où Jean s’était rendu, chez une amie qui recevait des intimes triés sur le volet, il ne put se régaler assez de tennis et de gâteaux pour ne pas renouveler au paysage canadien son hommage attendri. La villa des Gendron, ravissante elle-même, était nichée dans un lieu d’où le tableau le plus charmeur se déployait. Québec sommeillait sous un voile d’or, les coteaux de Charlesbourg pâlissaient dans une extase mystérieuse des choses, le fleuve miroitait comme s’il eût roulé des perles. Les oiseaux lançaient des cris fous de bonheur. Jean les écou-