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française n’a plus qu’à s’endormir en la plus béate agonie…

— Comment cela, je t’en prie ?

— Dame ! une race fatiguée des traditions, des coutumes et des institutions qui la rendirent forte et généreuse, n’est-elle pas malade et n’est-elle pas sur la pente d’en mourir ?

— Ce n’est pas ce que je dis, Jean. Je suis las de choses qui ne me disent plus rien, qui sont impuissantes à m’émouvoir. C’est défloré, décrépit, fade, ennuyeux. Au point de vue logique, tu as raison. Mais tout cela m’agace, m’endort. N’est-il pas vrai que, ce soir, ils furent tous assommants ? Je les entends : des aïeux par ici, des héros par là, une douzaine de fois Montcalm et Lévis, plus souvent encore l’inévitable Monseigneur Montmorency de Laval, avant tout le refrain sonore de tradition, langue, droits… Quel tapage ! quels gestes ! quel dortoir ! Eh bien, oui, tout cela m’embête… En somme, qu’importe ? je n’empêche pas mon voisin de s’emballer ?

— Comme tu parles bien, cher ami ! s’écrie Jean, dont le sarcasme est adroitement masqué. Il faut déchirer le vieux haillon traditionnel. Il faut se vêtir tout en neuf, avec de l’idéal bien moderne. Le passé ? une légende tant de fois redite qu’elle est devenue banale, un conte inepte