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tôt, le replace devant son père, au milieu de la famille. Il se pose de nouveau l’interrogation gênante : l’industriel voudra-t-il ce qui, logiquement, lui paraîtra une bizarrerie, une oisiveté insolite ? Yvonne confirmera-t-elle ce rêve en disant que c’est « chic » et « gentil » ? Elle est reine au foyer paternel ; son veto serait formidable. C’est d’elle qu’il faudra s’emparer tout d’abord. Chère petite Yvonne, elle est généreuse, elle ne lui sera pas hostile, pour le seul motif qu’il s’est déclaré l’adversaire de… Lucien Desloges surgit dans sa mémoire comme un tout autre personnage, transformé par une sourde élaboration de l’intelligence, un personnage de contraste, édifié d’un seul bloc sous la poussée des circonstances, inévitable, saisissant. Il apparaît comme le type en chair et en os de l’inutile à sa race, du semeur d’égoïsme et d’indifférences. Comme s’il regardait cet homme jusqu’au tréfonds de l’âme, Jean a la vision lucide de ce qu’il pense, de ce qu’il dirait… C’est irréparable comme la mort ! Lucien Desloges est rigidement insensible à ce qui n’est pas une volupté de son « moi », gourmand et boursoufflé d’orgueil. Le patriotisme est, pour lui, la monomanie de quelques naïfs, déshérités de l’élégance, encroûtés d’idéal vieux jeu. Asservie à lui seul, comme l’exigent tyranniquement les vaniteux,