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au large de l’écueil

les jouisseurs exhibent au grand air leur peau d’inutiles ! s’écrie la Française.

— La gaité du jouisseur n’a jamais le son clair et joyeux du rire de l’ouvrière, quand elle sort de l’usine : le travail lui met du soleil au cœur !…

— J’aime le peuple… Il est bon, il est terrible, il est puissant !…

— Il gonfle comme la marée montante, interrompt le jeune homme… Voyez, sur l’autre rive, le bourg compact de Limoilou… C’est le peuple qui déborde… Il va inonder les prés verts de Charlesbourg, escalader les collines de Lorette… Depuis la falaise, à nos pieds, jusqu’à la montagne, ce sera le peuple grouillant, énorme, effrayant, sublime !…

— On abattra les haies pour faire des rues grises, reprend la jeune fille. Il y aura des cours maussades là où les agneaux broutaient l’herbe… Les arbres tomberont sous la hache de l’entrepreneur brutal… Il n’y aura plus de fermes isolées dans la verdure… La clameur du trafic fera taire le gazouillis des ruisseaux… Ce sera l’immolation de la campagne si douce à voir…

— Vous avez raison, mais il faut que le peuple passe et que son flot gagne le large, que le Ca-