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III


Il est, à Québec, une chose vieille dont la mort approche. C’est le dédain qui la tue lentement. Elle est jolie, pourtant, la calèche gaie, d’où l’on domine la rue. Ses couleurs vives flambent au soleil d’été. Elle a des caresses de mouvement pour les étrangers qui lui sont déjà moins fidèles. Si on éveillait les échos qu’elle garde, on entendrait les belles choses qu’on dit sur le Québec séculaire, les mots d’amour que les couples, venus de loin, se glissent à l’oreille du cocher sourd. Hélas ! ses compatriotes ingrats se moquent d’elle, et voilà pourquoi elle agonise, elle finira par en mourir.

Une calèche roule sur le pavé dur qui vibre. Elle entre sous la Porte Saint-Louis, et la voûte en pierre tonne. Une note grave résonne : on dirait que les régiments de jadis, allant à la bataille, y laissèrent le claquement du sabot des chevaux, le bruit de la marche des fantassins, et que c’est encore là. La Grande-Allée s’ouvre,