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II


Augustin Hébert était un type superbe de Canadien-Français. On le remarquait toujours dans la foule qu’il dominait des six pieds de sa taille. Il marchait d’une grande allure militaire. Les cheveux noirs semés de fils gris encadraient de noblesse un visage énergique, un peu hautain dans sa pâleur. Son regard ne mentait jamais, allait droit à l’adversaire. Le dessin des lèvres, sous la moustache brune, était ferme et précis. Il fallait l’entendre, de sa belle voix de clairon sonnant la charge, évoquer les souvenirs épiques de l’histoire de sa race. Il avait, en effet, le culte d’un passé tragique. Il ne pouvait le rappeler, sans qu’il se transfigurât, et le sang qui lui brûlait alors les veines était celui de l’immortel Hébert, le premier colon qui ait cru au sol canadien. Il eût fallu rouler sur son beau corps d’athlète avant de lui arracher un seul des ouvrages canadiens qui formaient sa collection sainte. Le spectacle était bien touchant de ce colosse maniant, avec des précautions infinies, les manuscrits fra-