Page:Bernier - Au large de l'écueil, 1912.djvu/296

Cette page a été validée par deux contributeurs.
294
au large de l’écueil

sais qu’on n’a pas cherché à t’évangeliser, tu ne m’as pas menti !… Il aurait suffi de te causer un peu de cette foi naïve, pour qu’elle te corrompe l’intelligence ?… Ne prolonge pas mon angoisse, dis-moi que je rêve, que tu rêves, que c’est la fièvre dans tes cellules nerveuses, rien de plus, rien de honteux, mon enfant !… Tu es encore mon disciple, mes idées, n’est-ce pas, Marguerite ?…

— J’avais résolu de vous le dissimuler toujours, mon père !… Dieu ne m’en aurait pas voulu, il s’agissait de ne pas vous faire de la peine, à vous si bon !… Vous êtes venu de vous-même au chagrin, vous avez surpris mon secret !

— Non, tu ne rêves pas, tu es sereine, ta voix ne bronche pas, tu es une convertie !… Ah ! malheureuse !… Ou plutôt non, ce n’est pas toi qu’il faut maudire !… La première fois que j’ai toisé ce Jules Hébert, j’aurais dû flairer sa lâcheté !… Il s’est insinué tortueusement dans ton âme, t’a sournoisement infusé la superstition dont la moëlle de sa race est pétrie, s’est servi du patriotisme et de l’amour pour t’apprivoiser à son au-delà chimérique et dégradant !… C’est un voleur d’âme, un ravisseur d’idéal, il