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au large de l’écueil

— Il vous pleure… Oh ! s’il savait ! Il deviendrait fou de chagrin !…

— Je vous remercie de ne lui en avoir rien dit…

— Pourquoi exigez-vous qu’il ne vous revoie pas ?…

— Il faut qu’il ne vienne pas, il faut que je parte, comme cela ; je ne supporterais pas un autre adieu, je le sens !…

— Que s’est-il donc passé ?…

— Dès l’adieu consommé, j’ai eu beaucoup de chagrin, une crise d’affolement douloureux… Ma tête fut si déchirée par le mal que nous dûmes rester à Québec… J’ai trop pleuré, Jeanne, voilà tout ce qui eut lieu…

— Ah ! si Jules n’était pas à Ottawa, j’irais…

— Je vous le défendrais ! interrompit la Française, vivement. Il vaut mieux qu’il ne me voie pas, l’amour est si bizarre, il ne m’aimerait que beaucoup moins peut-être…

— Est-ce que je vous aime moins ? lui reprocha Jeanne.

— Les hommes, ce n’est pas la même chose… Je vous disais que j’ai pleuré… Une maladie, alors que j’étais bien jeune, avait blessé mes jeux… Les cicatrices n’étaient pas solides…