Page:Bernier - Au large de l'écueil, 1912.djvu/274

Cette page a été validée par deux contributeurs.
272
au large de l’écueil

Pendant le colloque précipité de Gilbert et des oculistes, la jeune fille traverse une crise atroce. Elle a eu de longues heures, seule à ses rêveries de malade inerte, pour s’angoisser du problème de la vie humaine. Et les germes que la foi canadienne-française avait inoculés dans son âme y ont gonflé des racines lointaines, magnifié le doute envahisseur. Il ne pouvait plus s’agir de la passion courbant la volonté sous le joug, puisqu’elle avait fait le sacrifice de toute elle-même à l’idéal de son père. Malgré le combat incessant de l’athéisme pour demeurer tyran de son intelligence, malgré la persistance à rayer le surnaturel de la pensée aux prises avec l’obsession divine, elle s’épouvanta, un jour, du relief dominateur avec lequel Dieu logeait au plus profond de sa conscience. Avant même d’avoir subi le choc de Jules Hébert et de sa mentalité chrétienne, il lui arrivait parfois de se demander si les générations n’étaient vraiment que des étapes vers le bonheur absolu dans la Libre-Pensée universelle, triomphe du principe intelligent et bon palpitant dans la Matière. Ainsi, elle pourrait ignorer toujours ce bonheur éperdument convoité jusqu’au dernier souffle, et rien n’en serait