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au large de l’écueil

Et, sans attendre qu’il vienne, ils quittent la chambre où la voix fatidique du médecin a répandu quelque chose de lugubre. Gilbert est transi d’effroi. Une minute sombre passe avant qu’il ne bouge. Enfin, comme écrasé par la menace de ce qu’il appréhende, il sort, à pas lents moins rapides, lorsqu’il approche du seuil.

Marguerite a beaucoup souffert et beaucoup songé depuis un mois. Cette âme de jeune fille éprise de noblesse et saturée d’idéal, était mûre pour le grand amour dont elle était digne. Toute elle-même a vibré, lorsque, subitement mise en face de Jules Hébert, elle a eu l’intuition profonde qu’il remuait son cœur de battements inconnus. Tout son être, peu à peu, a chancelé, puis défailli sous la révélation que lui fit le jeune homme d’une personnalité ardente et généreuse, magnétique et robuste. Et plus la tendresse grandissante du Canadien a gravité autour d’elle, plus la Française a sombré dans l’amour. Le sentiment, bien qu’impulsif et fatal, à base d’affinités réelles, n’avait rien de superficiel et d’exalté, mais creusait aux profondeurs les plus vives d’elle-même. L’émotion chaleureuse avec laquelle Jules, la première fois qu’il tra-