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au large de l’écueil

fant de la Matière qui épancha les mondes et fit jaillir d’elle-même les cellules vivantes de l’homme !… Pardon de vous faire souffrir, je souffre encore plus que vous, je vous l’affirme… Allons, c’est fini, oublions tout cela, revenons à tout-à-l’heure, où nos âmes s’aimèrent sans torture…

— Non, c’est bien fini, Marguerite, nous ne retrouverons jamais l’ivresse de tout-à-l’heure… Nous ne l’avons connue que pour mieux savoir ce que nous perdons… Et pourtant, le vaste silence est si éloquent de Celui que vous refusez d’entendre !… La puissance du paysage ne vous soulève-t-elle pas jusqu’à Lui ?… L’horizon mystérieux ne vous conduit-il pas jusqu’à Lui ?… La lumière si douce épandue sur le fleuve ne vous fait-elle pas pressentir une Bonté insondable ?… L’amour dont nos cœurs vont saigner toujours ne vous fait-il pas espérer l’Amour sans larmes et sans fin ?… Quelque chose en vous ne se rebelle donc pas contre le déchirement irrévocable, sans la promesse d’un rendez-vous d’Amour suprême, au-delà de ce monde où tant d’âmes qui s’aiment doivent souffrir pour demeurer dignes l’une de l’autre ?…