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au large de l’écueil

Je crains qu’il n’avive l’amertume de nous séparer… Non, je ne parlerai pas, j’en ai déjà trop dit !… Jeanne est bien près d’ici, nous allons vers elle, n’est-ce pas ?…

— Et si je voulais tout entendre, Jules !… Quoiqu’il arrive, dussé-je en mourir, je veux que vous parliez, je veux être certaine !… Le souvenir sera meilleur…

— Promettez-moi que vous n’aurez jamais de rancune plus tard !… Non, il vaut mieux que je le garde en moi-même !…

— Jules ! supplia-t-elle.

— Vous l’aurez voulu, Marguerite… Plus je regarde au fond de vos yeux si doux, plus je sens que vous me ravissez le plus profond de mon être… Je n’ai pas gaspillé mon rêve… Depuis que j’ai entrevu l’amour, je n’aimai qu’une femme, celle que mon imagination connaissait mieux chaque jour, en qui souvent je plaçais des espoirs nouveaux, celle qui ne venait pas, mais qui viendrait… Je lui ai réservé toutes mes forces de tendresse… Il m’arriva de sentir des élans terribles vers la passion néant… Ce n’était pas cela que j’attendais, je passai au large… Il y eut des jours où mon cœur trop plein voulut dé-