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au large de l’écueil

— Il vous donne l’envie folle d’y vivre, répond Marguerite, bouleversée par l’allusion d’amour.

— Le souvenir, c’est presque vivre où l’on promène son rêve, dit-il.

— Alors, je vivrai souvent au Canada, plus souvent à Québec, j’en suis profondément certaine.

— Ce n’est pas tout-à-fait la cîme que nous avons sous les pieds, interrompit Jeanne, à qui ce prétexte parut en valoir d’autres. On la gravit, un peu plus loin dans le bois, sur un rocher d’où l’horizon se déroule… Hâtez-vous de m’y rejoindre, n’est-ce pas ?…

Et Jeanne, en quelques bonds souples qui font songer à des battements d’ailes, disparaît dans la montagne. La Française et le Canadien prolongent le silence plein d’angoisse entre eux.

— Est-ce vrai que vous partez ? dit-il, enfin.

— Est-ce vrai que vous restez ? murmure-t-elle.

— C’est donc fini, alors, irrémédiablement fini…

— Voulez-vous, nous allons tout recommencer ?

— Si nous pouvions, Marguerite…

— Tenez, nous sommes à bord du « Laurentic », devant Saint-Jean-de-l’Île… Nous entrevoyons de longues semaines pour nous, n’est-ce pas charmant ?…