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VIII


Au moment même où Jules Hébert a le cœur à la torture dans le sanctuaire des livres canadiens de son père, Marguerite Delorme, immobile et pensive à l’une des fenêtres du Château-Frontenac, admire longuement le paysage dont elle veut garder le souvenir éternel. À la veille de s’en éloigner pour toujours, elle imprègne sa mémoire de chaque détail pittoresque, et le Saint-Laurent, désormais, fera partie de la substance vive de son âme. C’est une des journées paradisiaques du septembre québécois, où le soleil a des caresses de lumière plus douce et l’air des parfums plus subtils. On dirait que la nature, aux approches de l’automne maussade et frileux, se grise de chaleur afin d’oublier la bise qui bientôt la rendra frissonneuse. Le fleuve déploie sa nappe limpide aux miroirs d’émeraude et de bleu turquoise, le feuillage du Bout-de-l’Île est alangui, la falaise grise de Lévis s’éclaire d’un sourire, les Laurentides échelonnent leurs