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au large de l’écueil

gne du nom que nous lui avons donné !… Ton amour t’aveugle, tu pardonnes avec le cœur mou des mères !… Tous les Hébert, depuis le premier ancêtre canadien, le condamnent, le flétrissent, par ma voix chargée de toute leur fureur, l’accusent d’avoir souillé leur blason !…

— Eh bien, mon père, c’est trop ! proteste vivement le jeune homme. Je refuse l’excommunication de ma race !… Non, je n’ai pas dégénéré, je me sens digne du nom que je porte !… J’aime la fille d’un athée, soit, je n’ai pu faire autrement !… Il m’a suffi de la voir : suis-je criminel de l’avoir vue ?… Comme vous le disait ma mère, je n’ai pas cédé, j’ai réuni, contre cet amour, toutes les forces capables de l’extirper de moi-même, j’ai fait le serment de vaincre et j’ai vaincu !… Je l’ai revue, fort bien, mais je n’ai jamais oublié, près d’elle, qu’elle ne serait jamais à moi !… Dieu, comme j’ai souffert, comme je souffre encore !… Oh ! si vous saviez ce que j’ai là, ce que c’est le déracinement de l’amour en soi-même !… Je n’espère plus votre pardon, vos yeux ne bronchent pas !… Qu’importe ? Un jour, vous admettrez, vous pardonnerez !… Si je n’avais pas mon rêve d’action