Page:Bernier - Au large de l'écueil, 1912.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
au large de l’écueil

pas lâche de l’aimer, tu le serais de ne pas immoler ton amour ! »…

— Comment n’es-tu pas lâche d’aimer une femme que tu dois arracher de ton âme, parce qu’elle est l’ennemie de ton Dieu ? interrompit Augustin, qui ne pouvait plus douter de la franchise de son fils.

— Oui, Augustin, il ne fut pas lâche, il ne fut pas coupable, intervint la mère, dont le visage était pâle comme celui d’une agonisante. Il faut que tu comprennes… Ton patriotisme rigide va trop loin, tu as puni cet enfant d’une façon qu’il n’oubliera jamais, que tu regretteras plus tard… Ta conception de l’honneur t’égare : calme ta souffrance et ta fureur un moment… Rappelle-toi ce que c’est, l’amour… Tu n’eus qu’à m’aimer rien ne séparait nos deux âmes avides, il nous parut naturel, dès la première heure, de nous aimer toujours… Je fais appel à ton amour : n’est-ce pas une chose toute-puissante ? Figure-toi qu’un gouffre nous eût empêchés d’aller l’un à l’autre, n’aurais-tu pas souffert de me perdre ? J’ose espérer que tu ne m’aimas pas uniquement pour la prière… À Marguerite, il ne manque pas autre chose que la prière… Il l’aime, comme